Halidou Ouédraogo: Militant jusqu’au bout des ongles
Halidou Ouédraogo: Militant jusqu’au bout des ongles |
Écrit par Serge Mathias Tomondji | |
24-06-2008 | |
La voix chaude, l’œil vif, Halidou Ouédraogo se remémore son enfance avec une passion mordante. Un temps révolu qu’il ne se lassera pourtant pas de revivre, tellement ces scènes restent actuelles et chaleureuses dans sa mémoire. «Ma famille n’était pas riche, mais j’ai connu une enfance heureuse», tient d’emblée à préciser Halidou Ouédraogo. Puis, il ajoute: «On vivait de la culture et de l’élevage, mais nous n’avions jamais dormi sans manger.» Né à Ouahigouya vers 1945 - son curriculum vitae indique le 17 septembre 1945 - Halidou Ouédraogo est le fils de Sidiwaouga Ouédraogo, ancien combattant et paysan, décédé en 1965, et de Amounata Sawadogo, mènagère, décédée en 1993. Des parents simples et modestes, qui leur ont inculqué, à lui et à ses trois sœurs, le sens de l’humilité, de la justice et de la solidarité. Elevé au milieu d’amis «très importants», Halidou Ouédraogo met un point d’honneur à citer ses «compagnons d’enfance» comme il se plaît à les appeler: Nounhoun Ouédraogo, en retraite, Abdramane Boly, Abdoulaye Boly, Gaétan Ouédraogo, Jeanne Barry, Bouba Diallo, Djibrina Barry, Fati Sangaré, Minette Savadogo, Baba Savadogo, ainsi que Hamadé, Bernard, Christiane, Marie-Rose, Catherine… tous portant le patronyme Ouédraogo. «Nous rivalisions d’imagination, d’innovation dans le jeu et dans la solidarité», se souvient-il. Et que faisaient-ils, ces gamins des années pré-indépendance? Courir en brousse, manger des raisins sauvages, garder les animaux, danser à tout vent à la maison… Ah, la danse! Halidou et ses copains adoraient, à cette époque-là, Otis Redding, James Brown, Elvis Presley, mais aussi Adamo et Joe Dassin. Entre autres. La bande, érigée plus tard en association, se livrait aussi à des jeux de société et faisait du théâtre. Ils ont ainsi interprété la pièce «Chaka zoulou», dans laquelle Halidou Ouédraogo jouait le rôle de l’un des guerriers de Chaka. En pleine représentation, raconte-t-il, l’un des acteurs fait irruption sur la scène, plante sa lance avec force sur l’estrade. Alors, «la courroie de son pantalon s’est cassée et il s’est retrouvé en caleçon. Apeuré, le souffleur, Constant de son prénom, sort de sa cachette et crie: «Rideau». Croyant que la pièce se joue ainsi, la salle se lève et applaudit à tout rompre…» C’est dans cette ambiance bon enfant que Halidou Ouédraogo a passé son cycle scolaire primaire. Au collège, son cercle d’amis s’agrandit, avec notamment Me Benoît Sawadogo, feu Aimé Nikiéma, Amina Ouédraogo et bien d’autres. Une fois le baccalauréat en poche, un bac qu’il a obtenu un peu sur le tard, dit-il, en 1968, en candidat libre, il voulait étudier l’histoire. Il obtient une bourse fac et devait être pensionnaire de La Sorbonne. «J’admirais Joseph Ki-Zerbo et voulais devenir historien», avoue-t-il. Mais, après quelques difficultés liées à son orientation - on le donnait même partant pour des études de médecine, en Russie -, il atterrit finalement à la faculté de droit de Poitiers, en France.Après la licence, puis la maîtrise, son désir d’enseigner n’ayant pas été comblé, il entre à l’Ecole nationale des impôts de Clermont-Ferrand, toujours en France. Il refuse de rentrer au pays pour être contrôleur des impôts. Halidou Ouédraogo finit par intégrer l’Ecole nationale de la magistrature de Paris, puis de Bordeaux, d’où il sort diplômé en 1975. Il fera donc le premier cycle sans bourse et c’est un compatriote, Ousmane Ouédraogo, étudiant lui aussi, qui lui paiera sa première robe de magistrat. «Il y avait une grande solidarité entre étudiants, boursiers et non boursiers», reconnaît-il. Il bénéficiera ensuite du rappel de ses bourses et rentrera au pays en 1977, pour y prêter serment, comme magistrat, le 1er septembre 1977. Une vie mouvementée, difficile, mais exaltante…
Mouvementée et difficile, sa vie le fut assurément. La gestion qu’il fit, en tant que président des Tribunaux populaires de la révolution, du procès de l’ancien président Sangoulé Lamizana reste présente dans les mémoires. Mais il dut se résoudre à la clandestinité pendant plus de deux longues années, du 9 mars 1985 au 5 juin 1987, pour, indique-t-il lui-même, «échapper au régime du Conseil national de la révolution qui avait mis ma tête à prix». Auparavant, il a été suspendu de ses fonctions, le 1er février 1985, puis radié de la magistrature, avec 21 autres magistrats, pour «entrave à la marche radieuse de la révolution». C’est donc en 1987 que Halidou Ouédraogo redécouvre les joies de la vie légale. Placé en résidence surveillée du 10 juin au 15 octobre 1987, interdiction lui est faite d’aller au palais de justice. Mais comme une lumière au bout du tunnel, il fut réhabilité, repris et réintégré dans le corps de la magistrature, le 19 octobre 1987, et est nommé conseiller juridique à la présidence du Faso. «J’ai croisé Blaise Compaoré alors qu’il était interné au camp militaire de Bobo-Dioulasso, en juin-juillet 1982», témoigne-t-il.C’est seulement en 1994 qu’il est détaché de la Fonction publique pour se consacrer au Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP) et à l’Union interafricaine des droits de l’Homme (UIDH), dont il était le président. Il a également pris la tête du Collectif des organisations de masse et de partis politiques, créé au lendemain de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. Autant de casquettes qui lui ont valu bien des tourments. Des tourments que Yvonne Kambou, cette fidèle compagne dont il a fait la connaissance en 1978 et qu’il a épousée depuis 1982, l’a aidé à surmonter. Souvent arrêté et jeté en prison, Halidou Ouédraogo porte encore les stigmates de cette vie militante et engagée qu’il a menée tambour battant, et qu’il revendique avec une grande énergie, même affaibli par la maladie. © Fasozine N° 11, novembre-décembre 2007
Halidou Ouédraogo en 20 questions-réponses Quels sont les deux mots qui vous caractérisent le plus?Altruisme et justice Etes-vous croyant?Oui. Qu’estimez-vous avoir le mieux réussi dans votre vie?La constance et la loyauté dans mes actes Qu’estimez-vous n’avoir pas réussi?Je ne vois pas. Ce que j’ai me suffit. Quel est votre plat préféré?Le tô (pâte de maïs ou de mil) avec une sauce gombo Croyez-vous au «wack»?Oui. Quand et pourquoi avez-vous pleuré la dernière fois?En 2006, lorsque j’ai reçu les délégations des travailleurs de la Comoé, venus me souhaiter bon retour et prompt rétablissement. Qu’est-ce qui vous fait le plus peur?L’intolérance des hommes Que détestez-vous par-dessus tout?La malhonnêteté Qu’appréciez-vous par-dessus tout?L’amour, l’amitié et le sens du partage. La qualité que vous préférez chez un homme, c’est:La loyauté, la franchise et le courage. Et chez une femme?L’affection, la compréhension. Où et à quel moment de votre vie avez-vous été le plus heureux?A l’hôpital Mirabeau, lorsque j’ai constaté que je pouvais sortir de la paralysie qui m’a frappée, suite à la rupture d’anévrisme cervicale. Quel défaut vous reconnaissez-vous?La naïveté et l’oubli des crasses qu’on me fait. Quel homme admirez-vous le plus dans le monde? Pourquoi?Tous les hommes et toutes les femmes qui peuplent le monde, parce qu’ils se valent. Tout est question de responsabilité. Quelle femme vous a le plus marqué au cours de votre vie? Pourquoi?Ma mère. Elle était tout pour moi. Votre plus grand regret…D’avoir perdu ma mère. Que souhaitez-vous pouvoir accomplir dans votre vie au cours de l’année 2007?Recouvrer la plénitude de ma santé et réussir mon métier d’avocat. Comment aimeriez-vous mourir?Je n’aimerais pas mourir. Et puisque cela doit arriver un jour, je souhaite mourir debout! Si vous en aviez le pouvoir, que changeriez-vous dans le monde?Le déséquilibre entre le Nord et le Sud, l’extrême pauvreté et l’ignorance. |
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