repères, Il y a des valeurs........

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Fermeture de l'Université de Ouagadougou/Une décision incomprise et inexplicable

Fermeture de l'Université de Ouagadougou

 

Une décision incomprise et inexplicable

 

Tout a semblé commencer le 17 juin 2008. En effet, les étudiants de deux unités de formation et de recherche (Sciences exactes et appliquées et Sciences de la vie et de la terre) décidaient d'une marche pacifique sur la Présidence de l'Université de Ouagadougou pour exiger la résolution de leur plate-forme revendicative. Le Professeur Jean Koulidiati, le maître des lieux avait interdit cette marche. Il a fait alors appel aux forces de l'ordre pour soi-disant protéger sa « présidence ». Depuis belle lurette, la présence de ces forces sur le campus n'a jamais été du goût des étudiants. La suite on la connaît. Ceux qui voulaient mettre ces forces de l'ordre et les étudiants sur le même pied ont employé les termes « affrontements ou échauffourées etc. ». Pourtant, il n'a jamais existé de la parenté à plaisanterie entre eux. Les forces de l'ordre (gendarmerie et police) aidées par le Régiment de sécurité présidentielle ont utilisé les gros moyens pour réprimer farouchement les étudiants: « Les forces de l'ordre étaient débordées. Les étudiants étaient plus de 1000. Elles avaient à faire à une guérilla et même une guerre. Ils s'étaient bien préparés. Ils tenaient des bouilloires, des lance-pierres, des pierres en quartz pour percer les boucliers » soutenait Assane Sawadogo, ministre de la sécurité lors d'un point de presse du gouvernement. Propos qui permettent de mesurer la réaction pour mettre fin à cette guérilla ou cette guerre.

 

Tout laisse croire que c'est une simple marche de deux UFR qui a dégénéré. Les conséquences sont aujourd'hui incalculables pour l'ensemble de l'Université. En effet, le jugement des 35 étudiants s'est soldé par plusieurs relaxes et des condamnations à six mois avec sursis. Les étudiants ne sont pas retournés en classe mais cherchaient plutôt à se réunir pour poursuivre leur lutte. Les autorités les ont empêchés en envoyant les forces de l'ordre occuper l'université. Dès le 28 juin, une armada de sanctions a été prise : fermeture de l'Université jusqu'au 16 septembre, cités et restaurants fermés, suspension de bourses, d'aides et prêts jusqu'à nouvel ordre etc. Pour justifier ces décisions, les autorités universitaires ont professé avoir tout fait. Elles ont dit être fatiguées de dialoguer avec les étudiants.

De telles décisions sonnent comme une répétition de l'année académique 1999-2000 qui s'était soldée par une année invalidée. La mise en œuvre de la refondation avait été présentée jusque là comme la panacée qui devrait sortir l'université de ses éternelles crises. Huit ans après tout le monde est entrain de déchanter. Cette année encore chacun se demande pourquoi et comment en est-on arrivé à telle situation ? Qu'est-ce qui pourrait justifier une telle répression ?

Qu'est-ce qui pourrait expliquer la sévérité de telles décisions du moment où la situation est différente de celle de 2000 ?

 

Que cache une telle répression ?

La décision des étudiants de marcher malgré l'interdiction justifierait la présence des forces de l'ordre sur le campus le 17 juin dernier. Pourquoi le Président Koulidiati a-t-il interdit cette marche ? Si l'interdiction visait à apporter la quiétude à l'université, le résultat obtenu a été contre productif. Toute l'université n'étant pas concernée par la marche s'est retrouvée paralysée. Les autorités universitaires sont conscientes qu'il y a eu des marches cette année sans qu'elles ne dégénèrent en casses. Si elles ne sont pas animées de mauvaise foi, elles savent que l'ANEB est une organisation qui ne pose pas de tels actes. En dernier ressort, le Professeur Koulidiati sait qu'une interdiction de marcher assortie d'une présence des forces de l'ordre pouvait être perçue comme une provocation par les étudiants. Si l'on suppose que par préméditation, les étudiants avaient organisé une telle marche pour se faire réprimer afin de paralyser toute l'université, nous pensons que la lucidité des autorités aurait permis de déjouer leur plan. De ce fait, les autorités ont cédé à la provocation. Si elles n'ont pas pu et su se mettre au dessus de la mêlée, elles sont plus responsables que les étudiants. Nous pensons que toute décision de leur part est plus réfléchie que celle prise par les étudiants.

Nous ne voyons  toujours pas pourquoi les autorités ont cédé à la répression pensant arranger les choses à l'université.

La majorité des UFR avait connu des mois de grève mais celles des juristes, des médecins et des pharmaciens avaient repris les cours depuis un certain temps.

Les raisons de cette répression sont-elles à rechercher dans les propos du ministre de la sécurité ? : «  les étudiants ont menacé de détruire des biens privés, ceux de François Compaoré ». Est-ce pour empêcher la destruction des biens de ce dernier que les étudiants ont été réprimés avec le soutien du Régiment de sécurité présidentielle ?

 

La vérité cachée par les autorités universitaires

Si l'on s'en tient aux différentes concertations entreprises pour réaménager le calendrier universitaire aucune autorité ne présageait une telle paralysie. En effet, le ministre des enseignements Joseph Paré avait présenté les événements du 17 juin comme un incident et s'était montré disposé à renouer le fil du dialogue avec les étudiants. Une semaine après c'est lui qui a signé tous décrets évoqués plus haut.

Nous avons l'impression que ce sont les événements du 17 juin qui ont permis à l'opinion de savoir qu'il y avait une crise à l'université de Ouagadougou. Ainsi l'ampleur de la crise montre que les autorités avaient caché la vérité. Parce que l'université ne pouvait pas atteindre ce risque de ne pas terminer les cours sans qu'elles ne le fassent savoir à l'opinion. Ce qui nous fait dire qu'en choisissant la voie du silence elles n'estimaient pas qu'il y avait péril en la demeure. Dans le cas contraire, les événements du 17 juin sont prémédités pour faire porter aux étudiants le chapeau de l'échec de l'année.

Ces derniers sous la houlette de l'Association nationale des étudiants Burkinabè (ANEB) ont organisé plusieurs marches cette année mais pourquoi n'ont-ils pas été réprimés ? Avec le scénario qui est présenté les autorités pensent imposer aux étudiants un retour de force en classe. La batterie de sanctions ne semble pas laisser le choix aux étudiants. Elles rouvriront l'université dans quelques jours, les étudiants affamés, appauvris et divisés retourneront certainement en classe. Mais les problèmes resteront en l'état. Le temps de la fermeture ne permettra pas de construire des amphithéâtres. Ce n'est qu'un gâchis. Un temps de perdu. Les autorités ont justifié la fermeture de l'université par l'intransigeance de l'ANEB qui serait manipulée par des forces politiques. Cette accusation est traditionnelle à chaque crise universitaire.

De notre expérience d'étudiant aucune lutte ne s'est engagée sur le campus sans le bouc émissaire de la déstabilisation ne soit désigné. En 2000, l'année avait été invalidée parce que disait-on que la lutte des étudiants était liée à l'affaire Norbert Zongo. La sanction avait été prise mais elle n'a engendré aucun soulèvement de la part des populations. Ce sont les conséquences d'une telle décision que l'université traîne jusqu'aujourd'hui.

Après huit ans de mise en œuvre de la panacée, on en est aux mêmes problèmes posés il y a une décennie. Le gouvernement devrait reconnaître en toute humilité que sa mayonnaise de la refondation n'a pas pris. Ne tirant jamais les leçons du passé, le régime du Président Compaoré s'est encore embourbé dans cette énième crise universitaire. Nous attendons de voir la baguette magique qui le sortira de là.

Ben Youssouf



05/07/2008
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