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Politique de l’Habitat au Burkina /Le cercle vicieux qui favorise toujours les nantis

Politique de l'Habitat au Burkina

Le cercle vicieux qui favorise toujours les nantis


Monsieur Talaga vit dans la Ville de Ouagadougou depuis plus de quinze ans. Pendant tout ce temps, il a connu presque tous les célibateriums du quartier. Pourquoi n'a-t-il pas songé un jour à avoir un chez soi serons-nous tentés de lui demander ? Comment devait-il procéder pour avoir son propre toit à Ouagadougou ? trois solutions s'offraient à lui : avoir assez d'argent pour s'acheter une parcelle ; acheter directement une maison déjà construite et avoir préalablement acheté un lopin de terre dans la zone non lotie tout en espérant un lotissement dans 5 à 10 ans. Dans toutes les situations, l'argent intervient comme un élément capital dans l'obtention d'un logement, la différence des coûts dépend de son mode d'acquisition. Combien de Burkinabè sont chaque jour en train de cogiter sur le triste sort qui leur est réservé en matière de logement ? Comment le gouvernement compte-t-il donner un logement aux citoyens dans un secteur où lui-même et d'autres acteurs ne créent que des conditions défavorables aux ménages à revenus faibles ?

Une politique de l'Habitat incohérente

Nous avons connu une politique de l'Habitat qui a construit des cités dont certains Burkinabè ont bénéficié. Des structures telles le fonds de l'Habitat, la SOCOGIB, le CEGECI avaient été mises en place pour accompagner cette politique. Depuis le virage libéral, l'Etat a décidé de céder des zones entières à des privés pour construire des cités. Pendant ce temps, les structures de l'Etat ne construisent plus assez, en dehors des logements économiques. En dix ans de décentralisation, les maires ont presqu'épuisé le territoire communal avec les multiples lottisements. Aussi la naissance de la cité Ouaga 2000, le déguerpissement de la ZACA ont-ils contribué à raréfier l'espace communal. Par conséquent, la terre est devenue une denrée rare et source de spéculations. Tout laisse croire que l'Etat a perdu le contrôle de la gestion foncière. Les problèmes de parcelles font aujourd'hui et toujours la Une de l'actualité. Si pour beaucoup de Burkinabè il s'agit d'avoir un chez soi, pour une minorité qui détient les moyens, la terre est devenue un moyen qui permet de matérialiser leur luxe. En fin de compte ce sont ceux qui n'ont pas les moyens qui se plaignent de ne pouvoir se construire un chez soi. Aujourd'hui, les meilleures parcelles viabilisées sont vendues par la Société nationale d'aménagement des terrains urbains (SONATUR) à ceux qui ont les moyens. C'est un secret de polichinelle de dire que n'achète pas une parcelle dans la zone de Ouaga 2.000 qui veut. De ce fait, nous restons sceptiques quant aux actions qui sont ou seront entreprises par le gouvernement du Premier ministre pour résoudre la question de l'Habitat.

Les cités-relais, la preuve du mercantilisme de l'Etat

L'initiative peut être saluée à sa juste valeur parce que des Burkinabè en bénéficieront. Mais les conditions d'acquisition restent très sélectives, car seuls ceux qui ont des revenus consistants peuvent en jouir. Ces derniers temps, le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme a publié une annonce dans les quotidiens pour la vente des parcelles viabilisées Relais-cité de Basséko. En effet, il y a 2000 parcelles disponibles et le nombre de souscripteurs est fixé à 20.000. Chaque souscripteur a une chance sur 10. Mais il faut préalablement payer 5.000 FCFA aux guichets des stades de la capitale. Ce qui n'était pas du tout facile parce que des individus ont envahi les lieux pour faire le commerce des places. La superficie des parcelles varie entre 350 m2 et 650 m2. Le prix du mètre-carré est de 2500 FCFA, c'est-à-dire que les prix sont respectivement de 880.000 FCFA et 1.630.000 FCFA (plus les 5.000 FCFA). Au soir du 15 avril, jour du tirage, si la chance vous a souri, vous devrez débourser dès le 21 avril la somme de 200.000 FCFA pour payer une avance sur les frais de viabilisation. Le reste de la somme est payée soit en versement unique, soit en deux tranches de 50% de ladite somme au plus tard le 15 septembre 2006. Au regard de ces conditions, quel est ce burkinabè qui peut débourser de telles sommes en l'espace de 6 mois ? Quand on est salarié par exemple à moins de recourir à un crédit dans le même mois ou détourner de l'argent, peut-on honnêtement remplir ces conditions ? Malgré tout, nous avons constaté qu'il y avait un engouement la première semaine de la souscription. Mais la rediffusion de l'annonce dans la dernière semaine peut vouloir dire que l'opération n'a pas encore enregistré les 20.000 souscripteurs escomptés. En somme, si l'on prend le Premier ministre aux mots, les relais-cités font partie des actions visant à donner un logement décent aux ménages à faibles revenus. Le discours politique cadre-t-il avec la réalité dans l'exemple précèdent ? Combien de ménages peuvent débourser entre 880.000 et 1.630.000 FCFA en 6 mois ? Dans une telle opération l'Etat récoltera 100.000.000 de FCFA au titre des souscriptions non remboursables. Avec une telle philosophie mercantiliste, on ne peut s'étonner que l'Etat vende les parcelles à des prix exorbitants à des conditions draconiennes. En quoi de telles attitudes et habitudes ont-elles un caractère social ?

La Banque de l'Habitat apportera-t-elle une solution durable ?

L'ouverture de ses guichets est prévue selon le Premier ministre pour le 1er juillet 2006. En effet, elle fait partie des actions mises en place par le gouvernement pour « alléger la souffrance » des ménages en matière de logement. Ainsi, l'un de ses objectifs sera l'allocation de crédits pour l'acquisition de logements. Comment cette banque va-t-elle évoluer dans un milieu bancaire où les taux d'intérêts ne sont toujours pas en faveur des clients ? Pour que la Banque de l'Habitat joue pleinement son rôle social, il va falloir que l'Etat garde une bonne part des actions. Dans le cas contraire, si les actions de la banque sont cédées à des marchands et autres mercantilistes, il ne sera pas étonnant de la voir vidée de ses objectifs premiers. Nombreux sont les Burkinabè qui attendent beaucoup de la Banque de l'Habitat, mais il ne faut pas se leurrer, elle ne bouleversera pas grand-chose parce qu'elle devrait venir en appui à une politique de l'Habitat cohérente. Pourtant, elle ne semble pas exister même si les structures sont là.

Naby Youssfou
 



31/03/2008
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