repères, Il y a des valeurs........

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Interview de Robert Ménard

 A l'occasion du dixième anniversaire du drame de Sapouy, nous avons pu arracher quelques mots à Robert Ménard, ancien secrétaire général de Reporters Sans Frontières. L'homme n'est plus à présenter. Robert Ménard a fait partie en février 1999 de la Commission d'Enquête Indépendante (CEI). Son engagement pour la vérité et la justice pour Norbert Zongo et ses trois compagnons lui a valu beaucoup de d'inimitié avec le régime du président Blaise Compaoré.     

 

L'Indépendant : Quel souvenir avez-vous gardé de votre participation à la Commission indépendante?

 

Robert Ménard : Tout d'abord, le souvenir de plusieurs membres de la Commission bien décidés à faire la lumière sur cette affaire, malgré la mauvaise volonté de certains, des témoignages manifestement édulcorés, des difficultés à mener certaines investigations dans les enceintes militaires notamment.

L'autre souvenir concerne, bien sûr, la rédaction du rapport final qui a été l'objet de tractations, de marchandages nuisibles à la vérité. Du coup, la justice a enquêté à partir d'éléments biaisés.

Un point positif néanmoins : avec la mise en place de cette Commission, on a pu constater que la pression publique – avec notamment d'importantes manifestations populaires – pouvait obliger un pouvoir en place à des concessions. Et la création de cette Commission en fut une de taille. On ne l'oubliera pas de sitôt en Afrique. 

 

L'Indé. : Comment appréciez-vous le sort qui a été réservé au dossier Norbert Zongo?

 

R.M: Manifestement, le régime ne veut pas de la vérité. Et, encore moins, de sanctions à l'égard des commanditaires de ce crime. Le plus scandaleux est que la communauté internationale semble s'accommoder de cette situation et ne demande pas de comptes au président burkinabé.

Autres responsables de ce déni de justice : les magistrats en charge de ce dossier n'ont fait preuve ni de courage, ni d'indépendance. C'est dommage. Et c'est préjudiciable à l'image du Burkina. Pour un grand nombre d'observateurs, Ouagadougou reste la capitale d'un pays où l'on peut tuer un journaliste et ses compagnons sans rien risquer…  

 

L'Indé. : Ce dossier a-t-il une chance d'aboutir ?

 

R. M : Je ne suis pas optimiste. A court terme du moins. Pour être clair, tant que les mêmes personnes seront aux commandes de l'Etat, il y a très peu de chance de voir le dossier avancer. Mais ne désespérons pas. La vie est pleine de surprises.

 

L'Indé. : Que pensez-vous de la pétition?

 

R. M : C'est une très bonne idée. Il ne faut se décourager. La mort de Norbert a eu un retentissement dans tout le continent et, au-delà, dans le monde entier. Nous avons une obligation morale à l'égard de sa famille, de ses amis. C'est vrai, dix ans ont passé. Et l'on peut se dire qu'il est trop tard pour que la lumière se fasse sur ce qui s'est passé ce 13 décembre 1998. Nous aurions tort. Rien n'est jamais perdu.

 

L'Indé. : N'en avez-vous pas trop fait dans ce dossier face aux autorités burkinabè ?

 

R. M : On n'en fait jamais assez. Et je ne suis pas prêt à jeter l'éponge. Quitte à agacer les responsables à Ouagadougou. J'ai une dette à l'égard de mes amis burkinabé. Et, si j'ai une qualité, c'est d'être fidèle et d'avoir de la suite dans les idées. Si nous acceptons que l'impunité soit la règle, alors oui, il n'est plus question de parler de liberté, de droit de l'homme, de démocratie. Le Burkina vaut mieux que cela.

                                                       

Interview obtenue par Nabi Youssfou

 



09/12/2008
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