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Après le « non » irlandais/L’Union européenne d’une crise à l’autre

Après le « non » irlandais

L’Union européenne d’une crise à l’autre

Après le « non » irlandais au traité de Lisbonne (lire « Les Irlandais rejettent le traité de Lisbonne »), l’embarras règne dans les capitales européennes. Réunis à Bruxelles, le 16 juin, les ministres des affaires étrangères ont suggéré… d’attendre. Le Conseil européen des 19 et 20 juin devrait se saisir de la question. Le président français Nicolas Sarkozy s’est rendu à Prague pour tenter de convaincre son homologue tchèque, M. Vaclav Klaus, de poursuivre le processus de ratification. M. Klaus avait en effet, dans les heures suivant l’annonce des résultats du vote irlandais, déclaré que le traité de Lisbonne était « mort ».

Une réponse juridique simple à la crise consisterait à prendre acte du fait que l’unanimité requise n’a pas été atteinte et à enterrer le texte. Mais les dirigeants des Vingt-sept (y compris ceux de Dublin) tiennent trop au traité, supposé résoudre les problèmes de l’Europe élargie, pour ne pas chercher à le sauver. Ils tentent donc de minimiser un vote irlandais qui laisse pourtant entrevoir, après les «  non » français et néerlandais en 2005, les réserves des peuples, soigneusement tenus à l’écart du processus de ratification.

La construction européenne s’est déjà trouvée dans des situations similaires. Le 2 juin 1992, les Danois avaient, par referendum, rejeté le traité de Maastricht (50,7 % de « non »). A l’époque aussi, les commentateurs autorisés prophétisaient des catastrophes dont rien moins que l’éclatement de la Communauté européenne. Mais, mi-décembre, à Edimbourg, les Douze trouvaient la solution : le Danemark bénéficiera de dérogations à la monnaie unique et à la politique de défense esquissée par le traité de Maastricht. A ces deux dérogations s’ajoutera une déclaration visant une plus grande transparence des décisions européennes et à l’application du principe de subsidiarité. L’arrangement d’Edimbourg intervenait alors que le Royaume-Uni avait obtenu, quelques mois plus tôt lors de la signature du traité, une clause d’exemption à la monnaie unique. Le 18 mai 1993, les Danois approuvaient le traité ainsi amendé – à leur intention uniquement – par 56,8 % des votants.

Quelques années plus tard, le 2 juin 2001, les Irlandais rejetaient le traité de Nice (54 % de non). Cette fois aussi, les commentateurs – dont la plupart reconnaissent aujourd’hui que le traité de Nice est « calamiteux » – annonçaient l’apocalypse, en l’occurrence, l’arrêt du processus d’élargissement. L’Union s’apprêtait en effet à accueillir 10 pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Pourtant, réunis à Séville, le 21 juin 2002, les Quinze se mettaient d’accord sur une déclaration garantissant à l’Irlande le respect de sa neutralité, thème qui avait servi de cheval de bataille aux opposants au traité qui instaure une Politique de sécurité et de défense (PESD) commune. Le 19 octobre 2002, les Irlandais approuvaient le texte par 62,82 % des votants.

En 2005, une nouvelle crise s’ouvrait : les Français puis les Néerlandais rejetaient le traité constitutionnel européen (TCE). Ces refus provoquaient l’arrêt du processus de ratification. Mais, en 2006, les Vingt-Sept ripostent en signant le traité de Lisbonne, traité jumeau du TCE. Ils en retirent les formules à caractère constitutionnel pour en conserver l’essentiel. Ils s’entendent aussi pour que la ratification s’effectue par voie parlementaire, avouant ainsi eux-mêmes la fragilité de leur assise démocratique. Seule l’Irlande a recours au référendum comme sa Constitution l’y oblige.

La crise actuelle – dont les Vingt-Sept sont collectivement responsables – intervient alors que chacun, tout bord confondu, reconnaît le manque de fondement démocratique de la construction européenne. Aucune solution, cependant, ne fait consensus. On évoque pêle-mêle la mise à l’écart pure et simple de l’Irlande dans une Europe à deux vitesses, la constitution d’un « noyau dur » de pays jugés parfaitement intégrés, un nouveau vote des Irlandais, tandis que l’hypothèse d’un abandon du traité n’est pas écartée à Prague (qui assumera la présidence de l’Union en janvier 2009). A Londres, l’opposition conservatrice va s’exprimer en ce sens lors de la ratification du traité de Lisbonne par le Royaume-Uni mercredi. Quelle que soit la solution retenue, l’Union européenne effectue des choix qui marqueront pour longtemps son image.

Anne-Cécile Robert du Monde Diplomatique du 18 juin 2008


18/06/2008
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